A chaque pagne son histoire

Depuis que le roi Agonglo a introduit le tissage dans son Palais, chaque pagne porte une histoire soit liée à son quotidien soit à un fait marquant le royaume. Le tissage aurait permis, jusqu’à aujourd’hui, de distinguer les classes sociales, d’habiller le roi, la reine, les princes, les dignitaires ou encore les amazones. Il assure enfin la conservation de l’histoire à travers des motifs dans les pagnes tissés.

Aujourd’hui les pagnes sont destinés à un usage populaire, mais véhiculent toujours, à travers les rythmes et motifs, des symboles et des objets traditionnels de la cour royale.

On compte environ 41 pagnes différents par leurs histoires. Parmi les principaux, on peut citer les Hwɛn (Sillon), Awlan (Mlondji), Halɔkpakpa, Likun (Mil), Ðévɔ, Ajido, Wɔiɔ, Akwɛwu, Logozokpa, Kpɔsi, Kansawu, Hɔnfɔ, Sonukpé, Sonukun, Kpanvɔ, Kpɔnvɔ, Afunwé, Botoyi, Amankpa, Viciɔn, Wunnɔn, Sogbé, Sakété et Klibibi.

Hwuen / Houin / Hwɛn: le tissu des champs

Le laboureur fait des creux dans la terre pour semer ses graines ; ces creux sont appelés « sillons »… Le roi Ghézo (1818-1858) a ainsi nommé ce tissu pour sa ressemblance avec les sillons agricoles. Ce pagne était un vêtement ordinaire pour le roi. De base, il n’est tissé qu’en noir et blanc et présente un endroit et un envers différents.

Klibibi: le tissu magique

Au temps des dynasties et encore aujourd’hui, n’importe qui ne pouvait tisser le pagne Klibibi. Le tisserand doit obéir à un ensemble de règles strictes ; s’il enfreint ne serait-ce qu’une seule de ces règles, le tissu perd alors tout pouvoir. Ce pagne agit ainsi comme un talisman (sur le roi) et le protège de tout mal. « Klé » signifie criquet, et « bibi » habile, agile, en fɔn. « le criquet, habile, ne reçoit pas la balle du chasseur » et « le criquet qui est habile ne meurt pas du feu ». Lorsque le tisserand tisse le pagne, personne ne peut le voir. Il doit rester dans un endroit caché, nu et sans se laver. Il ne doit pas manger ; il ne prend que quelques feuilles de kola et de la boisson, et laisse des feuilles dans sa bouche pour se rappeler qu’il ne doit parler à personne. Tout doit être fait le même jour: la teinture, la chaîne, le montage et le tissage. Aussi, le tisserand coupe des herbes, de la broussaille qu’il étend par terre et fait son atelier sur ce tapis de feuilles. Ce rituel est aujourd’hui appliqué lors de commandes et circonstances spécifiques.

Logozokpa: la carapace de tortue

Le Logozopka apparu après la dynastie des rois, est tissé à l’origine dans une couleur cendre et vert. Le motif est un damier de rayures horizontales et verticales. Il porte ce nom pour sa ressemblance avec les carapaces des tortues.

Dévo/Ðévɔ: le tissu des douaniers

Durant son règne, le roi Ghézo plaça des douaniers à chaque frontière d’Abomey. Cependant, un douanier ne donnait pas au roi Ghézo ce qu’il prenait aux voyageurs jusqu’à ce que le roi le convoque… Ne pouvant avouer son vol, le voleur accusa ses poches trouées de ne retenir aucune monnaie. Clairvoyant, le roi Ghézo le condamne à porter ce pagne troué pour le restant de ses jours. Mais le Dévo fait aussi allusion à la pyramide des âges, qui traduit une population fortement juvénile avec peu de seniors. Ce tissu est originellement tout blanc, mais les tisserands actuels l’apprécient lorsque la trame interrompue qui crée le trou, est contrastée, faisant ainsi apparaître un dessin.